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Sûreté nucléaire : les députés mettent le gouvernement sous pression

La réorganisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire est tout sauf un long fleuve tranquille.
Alors que le texte doit arriver en séance publique à l’Assemblée nationale lundi 11 mars, le passage en commission, achevé mercredi soir, s’est avéré plus chaotique que prévu, jetant un doute sur la capacité du gouvernement à mener cette réforme à son terme.
Les débats n’ont pas réussi à réconcilier une opposition toujours sceptique sur l’opportunité de l’opération et un exécutif qui pousse pour une réforme au nom de l’efficacité.
Le texte, pourtant pas des plus politiques, met à nouveau le gouvernement dans une position inconfortable : l’adoption en séance dépendra fortement des voix du Rassemblement national, déterminantes pour faire passer le texte.
Le principal coup de théâtre est intervenu mardi soir, lors de l’examen en commission du Développement durable : les députés ont amputé le projet de loi de son article principal, qui prévoyait la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) afin de faire naître un régulateur unique.
L’examen des articles restant en discussion s’est poursuivi mardi soir et mercredi, effaçant une large partie des ajouts effectués par les sénateurs, qui ont approuvé la réforme en première lecture.
L’exécutif veut croire qu’il ne s’agit que d’un accident de parcours : le ministre délégué chargé de l’Energie Roland Lescure a assuré que le gouvernement proposera de réintroduire l’article supprimé en séance publique.
Depuis un an, c’est en suivant les débats parlementaires que les salariés de l’IRSN essayent d’être fixés sur leur sort, alors qu’ils rejettent leur réintégration dans une nouvelle entité.
L’absorption d’une partie des activités de l’IRSN par l’ASN a été décidée lors du conseil de politique nucléaire début février 2023, puis annoncée dans la foulée.
L’objectif du gouvernement est de fluidifier les processus dans un contexte d’activité soutenue pour le secteur, avec la prolongation de la vie des centrales, la construction de nouveaux EPR, et le suivi des réacteurs innovants.
Ajoutée par amendement en plein milieu de la navette parlementaire par Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de la Transition énergétique, la mesure avait été retoquée une première fois en 2023 dans le projet de loi d’accélération des procédures sur le nucléaire.
Le gouvernement est donc revenu à la charge avec un projet de loi ad hoc.
La suppression de l’article a été votée grâce aux voix des Insoumis et des Ecologistes, qui sont antinucléaires, mais également grâce à celles des députés communistes, socialistes et du groupe Liot, pourtant en faveur d’une relance de l’atome.
Benjamin Saint-Huile (Liot) veut sensibiliser “ceux qui sont objectivement engagés pour le nucléaire” sur le risque de désorganisation de la filière porté par cette fusion. Il cherche à atteindre des parlementaires au-delà des rangs de la gauche.
Mireille Clapot, membre d’En commun, qui fait partie de la majorité présidentielle, s’est montrée sensible aux arguments de l’intersyndicale de l’IRSN et demandait encore à être convaincue de l’opportunité de cette fusion.
Raphaël Schellenberger (LR) — minoritaire dans son groupe —, est farouchement engagé pour la relance du nucléaire et se dit prêt à voter en faveur du texte… si le projet de fusion en était retiré.
Mardi soir, les voix du Rassemblement national s’y sont également ajoutées. “Un coup de semonce”, selon Nicolas Dragon (RN), qui voulait avant tout marquer son “agacement” face à l’absence du ministre et de réponses à ses questions.
Les oppositions vont-elles à nouveau réussir à mettre le gouvernement en échec en séance ? “Jamais deux sans trois”, veut croire l’ancienne ministre Delphine Batho.
Des mesures facilitant le recours aux appels d’offres par EDF se trouvent également dans le texte. Elles sont qualifiées de “carotte” par l’opposition qui y voit un moyen d’encourager les pronucléaires à voter tout le texte.
“Défendre une politique nucléaire souveraine, c’est être pour cette réforme”, a plaidé mercredi Roland Lescure.
En sus des voix des députés LR, dont leurs collègues sénateurs ont déjà voté le texte, le projet de loi doit recevoir le soutien du RN pour être adopté.
“Nous sommes incontournables, rappelle Nicolas Dragon au sujet de l’adoption de ce texte. Ce n’est pas parce qu’on a voté contre en commission que ça laisse présager de ce qui va se passer en séance publique.” Il a rappelé être favorable à cette fusion.

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